Un goût de cannelle et d’espoir – Sarah Mac Coy

2018-06-30 14.36.20

D’abord, je salue le titre de ce livre. L’auteur a toujours le chic pour trouver des titres dont les associations pleines de promesses piquent la curiosités

Dans cette histoire nous suivons l’évolution d’Elsie, jeune allemande de 17 ans, à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale. Elle tente tant bien que mal de vivre et de poser des choix dans ce contexte de dictature où les possibles semblent réduits. Si elle est au départ, grisée par l’éclat de la haute société nazie, elle se rend bien vite compte que son cœur lui dicte tout autre chose. Malgré elle, elle cache un enfant juif, Tobias, dans sa chambre à l’insu de ses parents. Elle parvient à le faire échapper à la fin de la guerre et épouse finalement un médecin militaire américain, Albert Meriwether, à la fin de la guerre.

En parallèle, nous suivons Reba Adams, jeune journaliste dans les années 2000. Reba a suivi son petit ami Riki, garde frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans une petite ville perdue. Celui-ci est donc chargé régulièrement de traquer les migrants clandestins et de les ramener à la frontière. Travail éprouvant pour lui, dont il se plaint régulièrement auprès de sa douce.
Ce couple stagne, s’embourbe et Reba mijote dans son court bouillon : rumine son passé familial douloureux mêlé à son présent sans horizon. Jusqu’à ce que cet article qu’elle doit rendre au Sun Times, sur les Noël à travers le monde, la conduise à pousser les portes d’une boulangerie allemande.
Elle y rencontre Jane, et Elsie grâce à qui elle reprend sa vie en main.

Encore une fois, Sarah Mac Coy offre une fresque de personnages aux caractères bien différents (chacun peut s’y reconnaître). Mais tous sont confrontés aux tiraillements entre leur cœur, leurs idéaux, et ce qu’impose parfois la réalité. Comme souvent, les réalités du cœur éclatent un jour ou l’autre comme le montre l’échange entre Reba et sa soeur Deedee qui ne s’étaient pas vues depuis plusieurs années. Le passé ressurgit et les abcès sont crevés. Ou comment mieux repartir du bon pied ? Finalement, il y a toujours cet être intérieur et son authenticité évidente qui titillent l’esprit à un moment donné. Moment provoqué … ou pas ! Et comment y faire face ou cheminer avec ?

Un goût de cannelle et d’espoir trace quelques chemins épars de délivrance, plus ou moins heureux, plus ou moins longs, mais où chacun des personnages doit forcément affronter ce qui lui est extérieur et va à l’encontre de ce que d’autres jugent bon. Ils embrassent leurs peurs, leurs questions, leurs proches en affirmant ce qu’ils sont.

En mêlant les expériences et les époques, l’auteure met en perspective le traitement des juifs par les nazis, et le traitement des migrants mexicains, mais pas que, par les gardes frontières américains. Parallèle intéressant parce qu’il met en évidence l’inhumanité des procédés d’intimidation, et d’autoritarisme pur utilisés dans les deux cas. Il pose aussi la question de la loi et du coeur humain. Ici, il s’agit de cas individuels, pris comme cas particuliers de personnages qui ont à exécuter des ordres, brisant alors des familles, blessant des hommes, changeant des destins. Mais qu’en est-il d’autres points de vue ? En somme, Sarah Mac Coy parle du point de vue du coeur et de l’acte de l’individu. Comment composer avec une société et ses codes ? Je crois que c’est ce que veut dire l’auteure dans la lettre finale, celle du jeune juif Tobias recueilli par Elsie, lorsqu’il souhaite la remercier et évidemment à cette occasion, fait un bilan : (il parle de ses enfants)

« Devrions-nous enterrer nos souvenirs barbelés pour éviter qu’ils ne transpercent leurs cœurs ? Il est certain qu’ils connaitront leurs propres tragédies. Ou devrions-nous les mettre en garde contre la cruauté du monde et la méchanceté des gens ? Les prévenir pour qu’ils veillent les uns sur les autres & qu’ils aspirent à la compassion ? »

Je lis ici un message sur la transmission, passant par ce livre et l’expérience que nous faisons des personnages et des trajectoires, d’un coeur compatissant qui sait écouter les autres, et pour cela qui doit d’abord s’écouter lui-même et arrêter des choix pour être en paix.

 

Enfin, pour alimenter autant nos esprits que nos ventres, pour faire autant de place à la cannelle qu’à l’espoir, l’auteur ne manque pas de donner à la fin du bouquin, les recettes magiques des gourmandises de la boulangerie.

Délicieusement Vôtre.

Laisser un commentaire